L'arrivée de Atame [-16]

La jeune fille avait tout de même l'air stupéfaite, ne comprenant pas trop ce qu'il se passait en ce moment – elle pensait être assez mal réveillée, mais pourtant, elle avait bien eu ses douze heures de sommeil quotidiennes- alors elle haussait rapidement un sourcil, se demandant si elle n'avait pas fait erreur sur la personne ou sur la raison de sa venue.

Cependant, voir quelqu'un d'aussi jeune sur l'île, ça avait de quoi surprendre – la plupart du temps, les personnes qui se trompaient étaient des personnes âgées séniles qui confondaient le magnifique manoir ambiance XVIIIème avec leur petite maison de retraite – et elles étaient très rarement aimables d'ailleurs.

Mais elle n'allait pas le laisser partir comme ça, surtout pas après l'avoir dérangé lors d'une de ses très nombreuses siestes – elle allait lui faire visiter les lieux, qu'il en fasse partie ou non !

« - Dans le métier ? De quoi est-ce que tu parles ? » puis elle ajouta, en se tournant vers le nouveau « Je suis juste en train de faire visiter le dortoir à… lui. Tu peux venir avec nous, si tu veux, on a même pas commencé ! »

Elle continuait de s'exprimer de son ton enjoué, ses bras toujours aussi mobiles, faisant quelque peu danser sa robe de chambre alors qu'elle pointait tantôt vers l'une des personnes qu'elle ne connaissait pas, tantôt dans une direction arbitraire – vers les cuisines ou autres. - Elle se montrait une hôtesse plutôt énergique, bien qu'intérieurement, elle ne le soit que pour pouvoir s'en débarrasser plus vite et retourner à son petit somme.  

Ses yeux, quant à eux, avaient du mal à rester ouverts, et il n'était pas rare que sur son visage soit affichée pendant quelques secondes une expression de renard, les yeux fermés et un grand sourire aux lèvres, ce qui lui donnait un air presque comique la plupart du temps, alors qu'elle restait totalement aveugle aux regards des autres personnes, ayant appris à rejeter leurs remarques et leurs réactions à force de se balader ainsi – après tout, qui avait le droit d'insulter son confort ? De plus, cet habit gagnait à se froisser, elle n'avait jamais froid ni chaud, bref, c'était tout simplement parfait pour elle !

Tsukiko restait silencieuse en voyant tout se passer devant ses yeux un peu fatigués, haussant les épaules en souriant – tant mieux, ça lui ferait un peu moins de travail, et elle pourrait donc aller se coucher plus tôt… En parlant de ça, elle devrait aussi aller parler à Toki, après tout, elle n’avait pas eu sa « dose » aujourd’hui…

En pensant à ceci, ses mains agrippaient ses cuisses et elle se mit à rire, très vite ramenée à la réalité en remarquant le plus petit mouvement, s’éclaircissant ensuite la gorge et se retournant, levant un doigt triomphant avant de commencer à marcher, n’attendant même pas d’avoir fini sa phrase

« - Alors dans ce cas-là, suit le guide ! Je connais cet endroit comme la taille de poitrine des filles du coin ! »

Son ton enjoué était surtout là pour lui permettre de se rappeler qu’elle faisait ceci pour une raison bien particulière, et pour lui permettre d’oublier un moment le sommeil, remplaçant ceci par des idées bien plus agréables – et par une série de chiffres, puisqu’elle retenait bien plus facilement les mensurations de toutes les filles du dortoir plus que toutes les formules d’arithmétique – et elle avait même fini par acquérir le pouvoir très rare de pouvoir dire de façon assez précise les mensurations et bonnet de poitrine d’une fille. Il fallait dire qu’elle avait beaucoup étudié le domaine, aussi !

Lâchant un soupir rêveur, elle continuait d’avancer, montant maintenant les escaliers et commençant à pointer du doigt les chambres, donnant le nom des habitants, et n’hésitant pas à se remémorer toutes ses leçons. Arrivée à peine à la fin du premier étage, auquel sa chambre ne se trouvait pas – elle était au second – elle se retournait vers son invité avec un grand sourire, mettant les mains derrière sa tête

« - Tout compris ? Tu as des questions avant de continuer la visite ? »

« - Ah, t’inquiète pas pour ça, on y allait justement ! C’est l’étage d’au-dessus, je t’y emmène. »

Tsukiko répondait, toujours avec la même expression enjouée, mais là, elle jubilait intérieurement, il venait tout juste de lui donner une excuse en béton armé pour aller voir Toki… Eh eh, elle s’en délectait déjà, sentant presque la texture entre ses mains, et son visage affichait un sourire de prédateur – heureusement qu’il était derrière elle, sinon, elle l’aurait sûrement terrifié.

Cependant, hors de question qu’elle reste dans ses pensées, puisque lui aussi se mettait à parler, l’interrompant et la faisant se retourner très rapidement, le visage de nouveau neutre alors qu’elle marchait à reculons, ne craignant de buter dans personne – après tout, il n’y avait quasiment personne qui sortait en ce moment, c’était la première raison pour laquelle elle se baladait. –

« - Tu es là depuis combien de temps, toi ? Je reconnais pas bien les chemins, moi, encore. »

Elle réfléchissait – même elle n’y pensait pas forcément. Ensuite, elle haussait les épaules – elle n’avait jamais vraiment terminé sa scolarité, elle était arrivée ici un peu prématurément, car elle posait beaucoup trop de problèmes à son ancienne école, et elle avait échappé de peu à la maison de redressement pour harcèlement sexuel répété, cette seule pensée la faisant légèrement grimacer.

«  - ça va bientôt faire… Trois ans, je crois. Je compte pas vraiment les jours, et le temps passe bizarrement ici comparé à l’extérieur. » Puis elle ajoutait, avec un soupir extatique « C’est un peu comme si cette île était à l’écart du monde, ça fait du bien. »

Et là encore, la réponse d’après la surprit un peu – mais surtout, elle la mit mal à l’aise, la faisant légèrement rougir et hausser les épaules, se montrant un peu moins énergique que depuis le début de la visite, baissant le ton et ralentissant un peu dans les escaliers – elle n’avait vraiment pas l’habitude de se faire complimenter, et c’était donc, pour elle, un peu comme une nouvelle expérience… Mais surtout, c’était ce que cela pouvait éventuellement impliquer qui la faisaient légèrement s’inquiéter – elle ne voulait pas se montrer ‘trop’ parfaite, sans quoi elle risquerait de l’intéresser et là, oh…

Et c’est donc pour ceci qu’elle redevenait sérieuse en haussant les épaules et en s’approchant de plus en plus vite de la porte de sa chambre, forçant le jeune homme qui la suivait à accélérer le pas pour ne pas rester derrière. Son ton était devenu un peu plus froid, et la seule chose qu’elle voulait, c’était d’avoir entre ses mains des boules anti-stress… Et elle ne savait les trouver qu’à un seul endroit.

« - Bien tenté, mais les compliments ne te mèneront nulle part ! »

Elle n’ajoutait rien de plus et se mit à toquer à la porte plusieurs fois, d’une façon assez nerveuse en appelant à voix assez haute le nom de sa colocataire, une seule fois cependant. Cette dernière ouvrit la porte, et, à peine fût-elle apparue dans l’encadrement que son amie s’était déjà glissée dans son dos et la saluait de façon assez enjouée, les deux mains sur sa poitrine, comme à son habitude, ce qui n’aurait, en temps normal, que très peu dérangé la colocataire qui commençait à avoir l’habitude, mais avec un nouveau avec elle, elle ne pût s’empêcher de l’attraper par le poignet droit et de l’envoyer voler par-dessus son épaule dans une prise de judo, la faisant tomber sur les fesses devant elle et coinçant son bras sous son aisselle, refermant le tout pour qu’elle ne puisse plus partir, puis redirigeant son regard froid et masqué vers le nouveau, utilisant sa main libre pour retirer le masque de son visage et l’accrocher à un clou à côté de la porte

« - Toki-chan, le nouveau a oublié ses affaires dans notre chambre ! »

« - Tu me prends pour une débile ? Je suis restée ici toute la journée… Je l’aurais vu. »

En disant ceci, elle jaugeait de haut en bas le nouvel arrivant, se crispant un peu plus et serrant donc le poignet de son amie toujours à terre, qui ne bronchait pourtant pas, comme si la situation était habituelle pour elle, se contentant simplement de sourire et de hausser les épaules

« - Tu as dû te tromper de chambre, alors ! Par contre, Toki-chan… Tu pourrais me lâcher ? J’ai besoin de mon poignet. »

« - Si seulement je pouvais te les trancher, ça t’empêcherait de faire des conneries… Je t’ai déjà dit mille fois que les personnes qui font des conneries ont tendance à disparaître de l’île ! »

Elle soupirait de nouveau, lâchant l’autre et la laissant se relever, croisant les bras par la suite dans un effort pour protéger sa poitrine de la prédatrice qui fit donc une mine déconfite, elle qui était déjà un peu stressée par ce qu’elle venait de dire, il fallait maintenant en plus qu’elle confronte le nouveau avec ça… Vraiment pas de chance.